Changement de propriétaire

En récupérant le nom «barcelona.com» en justice, la ville de Barcelone crée un précédent inquiétant

Les internautes catalans de barcelona.com en perdent leur latin. Qui dirige ce site, la municipalité ou une entreprise privée? Peut-on accorder la même confiance à l'une et à l'autre? Qui, au juste, va contrôler et gérer les milliers de données qui affluent quotidiennement sur ce portail très populaire? Autant de questions qui donnent une idée de la confusion cybernétique dans laquelle beaucoup sont plongés et qui alimentent sur place une drôle de polémique. Ce cyber casse-tête a ses racines dans une histoire de noms de domaines. Depuis le milieu des années 90, une entreprise privée a lancé un portail, barcelona.com, utilisant le nom de la ville où elle réside ce qui, évidemment, permet une plus grande résonance parmi les internautes. Le hic, c'est que la municipalité du grand port de Catalogne n'a jamais apprécié ce qu'elle considère être une «dépossession» d'un nom de domaine qui lui reviendrait en propre. Après une longue bataille judiciaire, le verdict a été rendu le 22 février par un juge américain de Virginie, en faveur de la mairie de Barcelone. La sanction, qui constitue un précédent, a été annoncée début mars en Catalogne. En vertu de cette décision, une fois que le jugement sera officialisé, la municipalité va récupérer la propriété et l'usage du site. D'ici là, l'entreprise Nogueras-Riera, en charge de Barcelone.com Inc, pourra continuer à exercer son contrôle. Mais, passé ce délai, elle devra abandonner les commandes, et ce même si elle fait appel. Au lendemain de ce dénouement, Ernest Maragall, un conseiller municipal, n'a pas hésité à déclarer: «C'est un grand jour pour Barcelone et pour toutes les villes. Nous avions soutenu que l'entreprise agissait de mauvaise foi, en utilisant notre nom. Et nous avons obtenu gain de cause». Et la mairie de rappeler que dans le monde, nombreux portails se sont ainsi «emparé» de noms de pays, de régions ou de villes. Aux yeux de l'administration, il s'agit là d'une manière habile de tirer bénéfice d'un mot célèbre et de jouer sur l'ambiguïté d'un portail en apparence «officiel».

 

«Abus de pouvoir»

Dans l'autre camp, les dirigeants de Nogeras-Niera ne décolèrent pas. Dans un communiqué, ils se sont vivement plaints: «Nous avons travaillé sur un projet pendant six ans, nous nous sommes dépensés sans compter, et maintenant que le projet commençait à donner des fruits, ils veulent nous le reprendre. C'est un abus de pouvoir». On imagine que de nombreuses entreprises ayant utilisé des noms comparables doivent se faire du mauvais sang.

Le tourment a aussi gagné les milliers d'internautes qui recourent à ce portail très populaire. Chaque mois, d'après Nogueras-Riera, le site recevrait la visite de 300 000 usagers et le chiffre d'affaire annuel s'élèverait à 360 000 euros. Sur barcelona.com, on peut entrer dans des chats, utiliser un courrier électronique, réserver des billets d'avion, des lits d'hôtel et des places dans nombre d'événements culturels. Ces jours-ci, beaucoup d'usagers se plaignent d'avoir perdu des e-mails. Ce n'est sûrement que le début d'une confusion qui devrait aller grandissante.



Source :

 

www.letemps.ch, François Musseau, Madrid



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